MEHFIL-E ZAINAB:
DU THÉÂTRE POUR REVISITER LA TRAGÉDIE DE KARBALA
Par: Sabir CHARIFOU

L’éveil de la foi par l’action culturelle s’inscrit dans la stratégie de modernisation de l’image de notre religion et de conquête de nouveaux publics portée par Mehfil-e Zainab (La Courneuve).

Placer des événements culturels (« Parcours de l’émigration Khoja »), interreligieux (« Ensemble avec Marie »), artistiques (initiation à la calligraphie), promouvoir le « vivre ensemble » avec le don de soi (Collecte de sang avec Who is Hussein en partenariat avec EFS)… tout cela opérant au centre de la vie de Mehfil-e Zainab, contribue à la fois à l’attractivité de l’Islam et à la médiation culturelle autour des autres civilisations.

Dans ce prolongement, le week-end dernier (5-6 octobre 2019), le Centre Islamique de la Courneuve a exploré un nouveau champ artistique et culturel avec une représentation théâtrale.

Elle aura pour décor « l’avant-Karbala » et pour sujet, le martyr de grandes personnalités proches d’Al Hussein (Sulayman ibn Razeen, Muslim Ibn Aqeel, Qays ibn Mus’hir…) et le deuil déchirant que ce martyr va entraîner.
Cette initiative a été couronnée d’un succès retentissant.

Une dizaine d’artistes bénévoles Khojas Shi’ia Ithna Asheri a fait le déplacement depuis Londres.

Ils vont offrir à la réflexion du public Khoja francophone quelques-unes de séquences historiques du « pourquoi » et du « comment » de Karbala.

Et ce fut une véritable leçon d’histoire vivante dotée de grandes mises en scène. Le tout visait à exalter la douleur (deuil).

Calendairement, cet événement culturel se produisait dans une période de deuil chez les Shi’ites (du 1er Muharram au 7 Rabi-ul Avval).

Ceci parce que cette représentation théâtrale est d’abord un témoignage de condoléances aux Ahl-al Bait (Sainte Famille du noble Prophète de l’Islam – Paix d’Allah sur elle).

Elle est aussi un excellent adjuvant pédagogique à l’adresse de nos petits.
L’autre versant, c’est l’histoire-mémoire : elle vise à sauver de l’oubli des événements fondateurs de l’Islam Shi’ite. Et le tout participe de l’éloge des Imams.

Pour tenter de faire un rapprochement avec le monde Chrétien médiéval, c’est comme si les auteurs de la Passion du Christ avaient produit de nombreuses pièces sur chacun des apôtres ou sur les événements les plus accablants de la Semaine Sainte : la trahison de Judas, le reniement de Pierre, la Cène, la crucifixion, la mise au tombeau…

Comme les Chrétiens ont joué pendant des siècles, jusqu’à la fin du Moyen-Âge, des spectacles représentant la Passion du Christ, les auteurs de cette « Trilogie théâtrale » (ensemble de trois pièces théâtrales) ont joué la Passion d’Al Hussein ibn Ali (Paix d’Allah sur lui).

Il n’est pas inintéressant de savoir qu’à l’origine, ce théâtre s’appelle « Tazi’eh » en farsi (persan). Et il nous vient droit d’Iran, berceau du Shi’isme.
Il se serait développé à partir de 1501 avec l’avènement de la dynastie Safavide.

Parvenus au pouvoir, les Safavides vont chercher en effet à se démarquer des Turcs ottomans sunnites qu’ils combattaient militairement.

Et ils vont jusqu’à officialiser le Shi’isme comme religion d’Etat en Iran et en favoriser ses commémorations.

Et c’est au début du XIXè siècle, à l’époque Qadjar, que le « Tazieh » va atteindre son apogée.

Si le Tazieh est bien art de l’Islam Shi’ite, il existait avant l’avènement de l’Islam.

On jouait déjà à l’époque pré-islamique des pièces racontant l’histoire de Siyavouch, un héros légendaire de la haute Antiquité iranienne qui porte le nom de Siyavarshan dans l’Avesta, le Livre saint des Zoroastriens.

Le contexte et les conditions de la mort tragique de ce prince iranien assassiné à la suite d’un infâme complot, firent de lui un martyr et entraînèrent un deuil déchirant.
Cette légende est racontée par Firdowsi, grand écrivain iranien.

C’est pour dire qu’après l’avènement de l’Islam et la Tragédie de Karbala qui s’en suivra 680 années plus tard, l’Iran se révélera être un terreau fertile pour ce type d’art dramatique : le Taz’ieh.

Comme pour les autres Tazi’ehs d’Iran, l’œuvre de ce week-end des 5-6 octobre 2019 à Mehfil-e Zainab, était riche en costumes, accessoires, couleurs, jeux de lumière, sons…

On ne peut s’empêcher d’apprécier aussi les talents émergents de la création: ils sont jeunes.

On a pu voir aussi des personnages casqués, vêtus de cottes de mailles et armés d’épées et boucliers qui s’affrontent dans des scènes épiques ou lors de combats singuliers.
Et le temps de représentation variait : une ou deux heures.

Si au fil de la représentation, les dialogues deviennent de plus en plus sophistiqués et de surcroît en anglais, le public est demandeur.

De nombreux spectateurs ont participé au martyr dont celui de Muslim ibn-e Aqueel (Pièce 2), par des sanglots, des pleurs, des cris, voire même des actes de dévotion.

C’est pour dire qu’on ne peut reléguer cette représentation théâtrale au rang de simple tradition folklorique.
Elle n’est ni jeu, ni distraction d’esprit.

A la sortie du programme, sur le chemin du retour, je voyais dans les événements mis en scène dans cette pièce une source d’inspiration de la foi.

Il faut néanmoins rester vigilant à ce que la population ne délaisse la « forme traditionnelle de Majlis-e Hussein » (Farsh-é Aza) au profit de ces expressions artistiques innovantes qui certes participent de l’Azadari.

Et même si le sujet reste le chagrin et la douleur, l’habitude s’installant, le risque existe que ces représentations théâtrales deviennent dans la pratique un passe-temps amusant.
Elles doivent demeurer juste un « plus » aux côtés du Majlis-e Hussein.
DU THÉÂTRE POUR REVISITER LA TRAGÉDIE DE KARBALA
Par: Sabir CHARIFOU

L’éveil de la foi par l’action culturelle s’inscrit dans la stratégie de modernisation de l’image de notre religion et de conquête de nouveaux publics portée par Mehfil-e Zainab (La Courneuve).

Placer des événements culturels (« Parcours de l’émigration Khoja »), interreligieux (« Ensemble avec Marie »), artistiques (initiation à la calligraphie), promouvoir le « vivre ensemble » avec le don de soi (Collecte de sang avec Who is Hussein en partenariat avec EFS)… tout cela opérant au centre de la vie de Mehfil-e Zainab, contribue à la fois à l’attractivité de l’Islam et à la médiation culturelle autour des autres civilisations.

Dans ce prolongement, le week-end dernier (5-6 octobre 2019), le Centre Islamique de la Courneuve a exploré un nouveau champ artistique et culturel avec une représentation théâtrale.

Elle aura pour décor « l’avant-Karbala » et pour sujet, le martyr de grandes personnalités proches d’Al Hussein (Sulayman ibn Razeen, Muslim Ibn Aqeel, Qays ibn Mus’hir…) et le deuil déchirant que ce martyr va entraîner.
Cette initiative a été couronnée d’un succès retentissant.

Une dizaine d’artistes bénévoles Khojas Shi’ia Ithna Asheri a fait le déplacement depuis Londres.

Ils vont offrir à la réflexion du public Khoja francophone quelques-unes de séquences historiques du « pourquoi » et du « comment » de Karbala.

Et ce fut une véritable leçon d’histoire vivante dotée de grandes mises en scène. Le tout visait à exalter la douleur (deuil).

Calendairement, cet événement culturel se produisait dans une période de deuil chez les Shi’ites (du 1er Muharram au 7 Rabi-ul Avval).

Ceci parce que cette représentation théâtrale est d’abord un témoignage de condoléances aux Ahl-al Bait (Sainte Famille du noble Prophète de l’Islam – Paix d’Allah sur elle).

Elle est aussi un excellent adjuvant pédagogique à l’adresse de nos petits.
L’autre versant, c’est l’histoire-mémoire : elle vise à sauver de l’oubli des événements fondateurs de l’Islam Shi’ite. Et le tout participe de l’éloge des Imams.

Pour tenter de faire un rapprochement avec le monde Chrétien médiéval, c’est comme si les auteurs de la Passion du Christ avaient produit de nombreuses pièces sur chacun des apôtres ou sur les événements les plus accablants de la Semaine Sainte : la trahison de Judas, le reniement de Pierre, la Cène, la crucifixion, la mise au tombeau…

Comme les Chrétiens ont joué pendant des siècles, jusqu’à la fin du Moyen-Âge, des spectacles représentant la Passion du Christ, les auteurs de cette « Trilogie théâtrale » (ensemble de trois pièces théâtrales) ont joué la Passion d’Al Hussein ibn Ali (Paix d’Allah sur lui).

Il n’est pas inintéressant de savoir qu’à l’origine, ce théâtre s’appelle « Tazi’eh » en farsi (persan). Et il nous vient droit d’Iran, berceau du Shi’isme.
Il se serait développé à partir de 1501 avec l’avènement de la dynastie Safavide.

Parvenus au pouvoir, les Safavides vont chercher en effet à se démarquer des Turcs ottomans sunnites qu’ils combattaient militairement.

Et ils vont jusqu’à officialiser le Shi’isme comme religion d’Etat en Iran et en favoriser ses commémorations.

Et c’est au début du XIXè siècle, à l’époque Qadjar, que le « Tazieh » va atteindre son apogée.

Si le Tazieh est bien art de l’Islam Shi’ite, il existait avant l’avènement de l’Islam.

On jouait déjà à l’époque pré-islamique des pièces racontant l’histoire de Siyavouch, un héros légendaire de la haute Antiquité iranienne qui porte le nom de Siyavarshan dans l’Avesta, le Livre saint des Zoroastriens.

Le contexte et les conditions de la mort tragique de ce prince iranien assassiné à la suite d’un infâme complot, firent de lui un martyr et entraînèrent un deuil déchirant.
Cette légende est racontée par Firdowsi, grand écrivain iranien.

C’est pour dire qu’après l’avènement de l’Islam et la Tragédie de Karbala qui s’en suivra 680 années plus tard, l’Iran se révélera être un terreau fertile pour ce type d’art dramatique : le Taz’ieh.

Comme pour les autres Tazi’ehs d’Iran, l’œuvre de ce week-end des 5-6 octobre 2019 à Mehfil-e Zainab, était riche en costumes, accessoires, couleurs, jeux de lumière, sons…

On ne peut s’empêcher d’apprécier aussi les talents émergents de la création: ils sont jeunes.

On a pu voir aussi des personnages casqués, vêtus de cottes de mailles et armés d’épées et boucliers qui s’affrontent dans des scènes épiques ou lors de combats singuliers.
Et le temps de représentation variait : une ou deux heures.

Si au fil de la représentation, les dialogues deviennent de plus en plus sophistiqués et de surcroît en anglais, le public est demandeur.

De nombreux spectateurs ont participé au martyr dont celui de Muslim ibn-e Aqueel (Pièce 2), par des sanglots, des pleurs, des cris, voire même des actes de dévotion.

C’est pour dire qu’on ne peut reléguer cette représentation théâtrale au rang de simple tradition folklorique.
Elle n’est ni jeu, ni distraction d’esprit.

A la sortie du programme, sur le chemin du retour, je voyais dans les événements mis en scène dans cette pièce une source d’inspiration de la foi.

Il faut néanmoins rester vigilant à ce que la population ne délaisse la « forme traditionnelle de Majlis-e Hussein » (Farsh-é Aza) au profit de ces expressions artistiques innovantes qui certes participent de l’Azadari.

Et même si le sujet reste le chagrin et la douleur, l’habitude s’installant, le risque existe que ces représentations théâtrales deviennent dans la pratique un passe-temps amusant.
Elles doivent demeurer juste un « plus » aux côtés du Majlis-e Hussein.
Crédit photos: Le Mensuel (MZ)